Bien que considéré comme le moyen idéal de revivre 400 ans d’architecture française en un unique tour sur soi-même, le château royal de Blois m’est toujours apparu comme une construction cohérente particulièrement moderne du fait du gout pour les mélanges que lui a imposé l’histoire ; un bâtiment et quatre périodes pour une synthèse parfois bancale mais toujours généreuse. Dès l’arrivée on se retrouve face à la base, aux fondations, à la première pierre du moyen-âge, puis la rotation commence avec à l’est l’aile Louis XII construite dans le style gothique flamboyant propre au XVème siècle, continue avec l’aile François Ier et son monumental escalier symbole de la Renaissance le tout saupoudré d’influences italiennes puis se termine avec l’aile de style classique avec ses coupoles emboîtées au niveau de la cage d’escalier.
Dans une transposition musicale, le tournis historique que peut provoquer « Celeste » le second album de The Soundcarriers est en tout point similaire à ce qu’on peut ressentir à Blois. Sur une base de pop psychédélique sixties (Jefferson Airplane), le quartet de Nottingham greffe couche par couche les différentes décennies, et très vite les lucarnes des hautes toitures d’ardoise dévoilent un habitacle où l’on se sent bien et en sécurité. On est alors frappé par les ambiances colorées et rénovées à la Felix Duban où se logent une sunshine pop proche de l’easy-listening, puis on traverse les années vers un krautrock puissant mais jamais austère dans la droite lignée de Can pour enfin réaliser un dernier quart de cercle et se plonger dans l’electro-pop du début des années 2000 au moment même où Broadcast (« Long Highway » avec en prime son dialogue orgue / flute) s’apprêtait à monter sur le trône.
Oui The Soundcarriers est un livre d’histoire, une ballade aisée dans notre patrimoine. On y côtoie Stereolab et Electrelane, les joies simples du disco deviennent des montagnes russes proches de celles de King Crimson (« Last Broadcast »), on se laisse avoir par la douceur twee (« Rise And Fall »), on voyage verticalement et horizontalement et on se réjouit de cette manière de faire monter les titre à la Air mais avec le doigté de Au Revoir Simone (« Rolling On »), le tout pour une explosion psychédélico-cosmique pleine de jazz-rock (« There Only Once »).
Sur « Celeste », la réverbération est complètement naturelle, aucun effet n’a été utilisé et l’album a été mixé dans un entrepôt désaffecté. Le résultat est un son chaud et terriblement attachant qui transforme n’importe quel lecteur CD en platine vinyle. Il faut dire qu’au-delà de la production le batteur Adam Cann et surtout le bassiste Paul Isherwood ont un touché particulier qui fait de facto monter la température des titres (« Step Outside ») et confère une touche soul des plus sensuelles (« Broken Sleep »).
Holger Czukay est l’architecte, Nicolas Godin est le rénovateur et Trish Keenan prend la photo finale qui illustrera mille et un livres d’école. L’escalier à vis de plan polygonal souligne alors le paradoxe de ce monument du passé léger comme la plus incandescente des textures contemporaines.
Note : 8,5/10
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